Dadaïsme deuxième génération
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CONTRE-CULTURE
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Une fièvre étrange s’est emparée des foules à New York, San Francisco et dans de grandes villes d’Europe. Les personnes atteintes sont poussées à se comporter de manière absurde ou incongrue au cours de “rassemblements éclair”. Certains y voient une révolution sociale.

On trouve des anecdotes bien surprenantes dans les journaux du monde entier ces derniers temps… Le “San Francisco Chronicle” raconte : “Il est 14 h 7, au parc Dolores. Soudain, les personnes qui prenaient tranquillement le soleil bondissent sur leurs pieds et se mettent à courir. Ils se saisissent tous par la main, alors qu’ils ne se connaissent pas, et commencent une ronde au milieu du parc. Ensuite, pendant huit minutes, assis par terre, ils jouent au jeu de l’oie en s’esclaffant comme des gosses. Puis, aussi vite qu’il s’est formé, le cercle se dissout et les participants partent en courant, dans toutes les directions.”

Le quotidien italien “La Repubblica” rapporte une histoire étrangement similaire : “Nous sommes au magasin de livres et de disques Messaggerie, à Rome. Il est 19 h 15. Soudain, 200 personnes sorties de nulle part investissent les rayons et se mettent à demander frénétiquement à tous les vendeurs le livre “Pinocchio 2”, dont personne n’a jamais entendu parler. Après dix minutes, la foule se met à applaudir sans raison apparente et quitte la boutique en courant, sans explication”.

De son côté, le journal britannique “The Inquirer” fait part de la mésaventure d’un commerçant londonien. “A 18 h 30, une foule de 200 personnes débarque dans un magasin de sofas de Tottenham Court Road. Tous leurs téléphones portables se mettent à sonner et tous s’exclament dans l’appareil : ‘Oh ! Quel beau sofa !’ Le manège dure dix bonnes minutes, quand, soudain, ils se mettent à applaudir et ressortent du magasin en courant.”

La fièvre a atteint Paris

Phénomènes d’hallucinations collectives ? Happenings d’artistes néodadaïstes ? Non, ces scènes étranges rapportées par la presse internationale sont des “flash mobs” (“rassemblements éclair”). “La folie de l’été”, explique “The Telegraph”. “Organisés par l’intermédiaire d’Internet, les ‘flash mobs’ sont des rassemblements ponctuels et sans but au cours desquels des centaines de ‘mobbers’ apparaissent sans crier gare, exécutent une action surréaliste et se dispersent en un clin d’oeil.” Les instructions sont tenues secrètes jusqu’à la dernière minute et transmises par e-mail aux participants, qui doivent respecter à la lettre le scénario prévu par l’organisateur.

La tendance est née à New York au mois de mai, quand une centaine de personnes ont investi le rayon meubles du grand magasin Macy’s, à Manhattan, tous à la recherche d’un “tapis d’amour” imaginaire, avant de disparaître dans la nature. Depuis, le phénomène s’est répandu à travers les Etats-Unis et l’Europe à la vitesse d’un virus Internet. La fièvre du “flash mobbing” s’est emparée de Vienne, Berlin, Londres, Rome, Boston et Minneapolis. Les premiers “mobbers” parisiens se sont manifestés le 24 août dernier, à la pyramide du Louvre, récidivant le 2 septembre à Beaubourg.

Le but n’est pas d’avoir un but

Le fondateur du “Mob Project” de New York, un certain Bill, a lancé le mouvement à partir d’une liste d’adresses e-mail de 50 amis et amis d’amis, explique le “San Francisco Gate”. “Un jour, je me suis demandé comment faire pour faire sortir les gens. Je voyais les ‘mobs’ plutôt comme une blague, un clin d’oeil. J’ai été surpris de voir la mode se répandre dans d’autres villes”, confie l’inventeur au quotidien californien.

Mais le véritable père spirituel de tous les “mobbers” est Howard Rheingold, un sociologue américain dont le livre “Smart Mobs : la prochaine révolution sociale” est sorti en octobre 2002, soit sept mois avant le premier “flash mob”. L’ouvrage explore les potentialités infinies qu’offre Internet en tant qu’outil d’organisation des communautés. “On est en train d’assister à l’émergence de quelque chose de fort. Internet va révolutionner l’action collective”, confie l’auteur au “New York Times”. Rheingold fait partie de ceux, nombreux, qui aimeraient voir les “flash mobs” revêtir une signification plus engagée, plus politique.

Mais les “mobbers” ne veulent pas être utiles et refusent d’être perçus comme des contestataires. “Je n’aime pas que l’on parle des ‘mobs’ comme d’un mouvement, parce qu’alors il faudrait qu’on commence à définir des objectifs, des causes. On veut juste que les gens s’amusent, c’est la seule priorité”, explique l’organisatrice du réseau de San Francisco au “San Francisco Chronicle”. “Avoir un but n’est vraiment pas le but du ‘mobbing’“, résume un “mobber” londonien dans “The Telegraph”.
“Peut-être aussi qu’on s’ennuie un peu”, avance une adepte new-yorkaise dans le “Boston Globe”. Entre l’artistique, le politique et l’absurde, il faudra sans doute un peu de temps pour comprendre les véritables mérites du “mobbing”.

LB

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