NOUVELOBS.COM | 10.12.04 | 18:14 Si vous coyez que les américains s'en sont tenu aux prisonniers D' Abu-Graid pour offrir leurs traitements de réhabilitations et d'ajustement au monde moderne, ne soyez pas surpris qu'ils aient voulu également en faire bénificier ceux de Guantanamo, les réchappés de la guerre en Afghanistan. Vous vous en souvenez ? Il y a déja plus de trois ans, on les a oubliés, déjà,... et la reconstruction aussi. Jacques Debray est l'avocat de Nizar Sassi et Mourad Benchellali, deux des quatre Français libérés de Guantanamo en juillet 2004, et incarcérés en France depuis. Après la déclaration sous serment d'un détenu australien faisant état de mauvais traitements, il revient sur les conditions de détention dans la base américaine de Cuba, et affirme que ses clients, qui étaient contraints de prendre des médicaments suspects, se demandent s'ils n'ont pas été victimes d'expérimentations. Vos clients vous ont-ils parlé de mauvais traitements subis à Guantanamo ? - Ils ne veulent parler que d'une
partie de ce qui s'est passé à Guantanamo, tant
qu'il reste encore des Français là-bas, car ils
m'ont dit que la DST leur a fait comprendre que leur détention
est liée à celle des Français encore détenus.
Mais oui, ils ont décrit des scènes proches de
ce qui s'est passé à Abou Ghraib, et on ne peut
pas les soupçonner de s'être inspirés de
ce qui s'est passé en Irak pour mentir, puisqu'ils n'ont
découvert qu'après leur incarcération en
France que les Etats-Unis avaient envahi l'Irak. Et à Guantanamo, ont-ils subi des tortures ? - Oui, à la fois physiques
et psychologiques. A Guantanamo, ils ont été accueillis
par des militaires américains qui leur ont uriné
dessus à leur descente d'avion. Dans une des rares lettres que Nizar a pu faire parvenir à sa famille, par l'intermédiaire du CICR, il évoque des médicaments bizarres, vous en a-t-il dit plus ? - Cette phrase avait effectivement
échappé à la censure, et Nizar m'a confirmé
la prise de ces médicaments. Une fois, suite à
la prise d'un de ces médicaments, il a perdu connaissance
et a eu l'impression d'être resté un ou deux jours
inconscient. Comment ont-ils reussi à survivre et à tenir le coup ? - Tous deux disent qu'ils ont
tenu grâce au Coran. Nizar n'était pas pratiquant
avant d'être enfermé à Guantanamo. Mourad
était un peu plus pratiquant, et c'est au contact des
autres détenus et du Coran que les Américains leur
ont donné, qu'ils ont développé leur foi. Quelle était l'attitude des soldats envers les détenus ? - Au début, ils m'ont raconté qu'ils avaient en face d'eux des soldats qui pensaient avoir affaire à des fauves. Lorsque les soldats devaient ouvrir une cage où était enfermé un détenu entravé, ils se mettaient à cinq ou six. A cette époque, Donald Rumsfeld, le secrétaire américain à la Défense, affirmait que se trouvait à Guantanamo les pires êtres humains du monde. Des actions en justice sont-elles menées pour faire condamner ces actes ? - Aux Etats-Unis, depuis la décision
de la Cour Suprême du 30 juin 2004 qui reconnaît
aux détenus de Guantanamo le droit à se plaindre,
beaucoup d'actions ont été lancées. Maintenant
la deuxième étape consiste à déposer
des recours pour faire constater l'illégalité de
la détention et le traitement inhumain de Guantanamo.
Enfin nous espérons que les Etats-Unis seront condamnés
à indemniser les victimes de ces traitements. Quelle est la situation actuelle de Nizar et Mourad ? - Ils sont détenus dans
deux prisons parisiennes, Fleury et Fresnes. Au cours de l'été
2004, leur détention a été prolongée,
et nous allons de nouveau saisir le juge des libertés
dans dix jours. Propos recueillis par Benjamin
Cherrière |