Enquête sur Monsanto, par
Isabelle Delforge. Pour les générations de la première moitié du XXe siècle, lAllemand Krupp, le Britannique Vickers et le Français Schneider-Creusot étaient devenus synonymes de marchands de mort. Pour ceux qui sont nés après 1945, cest lAméricain MONSANTO qui a pris cette sinistre succession. Car, aujourdhui, sil est une entreprise dont les activités en ont fait le symbole mondial de la nécro-entreprise, cest incontestablement cette société transnationale qui, de « lagent orange » à la semence « Terminator» en passant par la production de « PCB », de pesticides et herbicides hautement toxiques, dhormones de croissance cancérigènes et dorganismes génétiquement modifiés (OGM), a recherché les profits les plus grands en fabriquant les produits les plus nocifs. Tout en affirmant le contraire et en prétendant promouvoir les sciences de la vie et nourrir lhumanité ! Cette identification de MONSANTO avec la production pour la mort peut même être poussée plus loin encore puisque des liens parfois étroits lassocient au nazisme. Parmi ceux-ci, on notera que MONSANTO est devenu, après la deuxième guerre mondiale, un partenaire de lIG Farbenfabriken au sein de Chemagrow Corporation. LIG Farbenfabriken avait apporté un soutien financier décisif au parti nazi dans les années trente et elle avait fabriqué le gaz destiné à Auschwitz au début de la décennie suivante. A Chemagrow Corporation, des chimistes nazis et américains ont travaillé ensemble à la mise au point darmes chimiques, les premiers partageant avec les seconds le fruit de leurs expériences dans les camps dextermination de lAllemagne hitlérienne. Personne ne sera plus surpris, dès lors, de lire de la plume même dEdgar Monsanto Queeny, président de cette entreprise à partir de 1943, quil se reconnaissait comme « a cold, granitic believer in the law of the jungle »1. Ce qui est à luvre avec MONSANTO, cest lidéologie du plus fort, nourrie des théories économiques des libéraux manchestériens et de leurs disciples de lEcole de Chicago. Alors que les productions de MONSANTO sont autant datteintes aux droits fondamentaux des êtres humains, les gouvernements réagissent au mieux par lindifférence, au pire et le plus souvent par la complicité. Face à cette désertion de ceux qui sont censés exercer la responsabilité de lintérêt général, il ne reste plus aux citoyens quà prendre en charge eux-mêmes la qualité de leurs moyens de subsistance et de leur cadre de vie. Ce qui commence par linformation. Le livre quoffre Isabelle Delforge à toute personne attentive à la manière dont les acteurs économiques façonnent nos vies est un cri. Un cri de la société civile. Un cri citoyen. Dans la lignée dune Susan George ou dune Viviane Forrester, lauteur nous fournit des clés pour se désintoxiquer des mensonges des acteurs politiques, des manipulations de la publicité et des imprécisions dune presse trop souvent silencieuse, presque toujours caricaturale et parfois même complaisante. Le livre qui nous est proposé ne nous apprend pas seulement lhistoire dune entreprise américaine devenue un géant mondial de lagrochimie. Il nous montre comment une entreprise transnationale devient peu à peu une pieuvre dont les tentacules enferment les peuples de tous les continents et prend progressivement le contrôle du plus vital de tous les secteurs : la chaîne alimentaire et sanitaire. En agissant sur lalimentation et sur la santé, on sassure un contrôle absolu des peuples placés ainsi dans une dépendance totale. Aldous Huxley et Georges Orwell sont dépassés par la réalité. Selon la formule utilisée par un de leurs cadres, « la captation de la totalité de la chaîne alimentaire » est lobjectif ultime des transnationales de lagrochimie. La fabrication dOGM et le brevetage du vivant en sont les moyens techniques. LUnion Européenne et l'Organisation Mondiale du Commerce fournissent le cadre légal. Pour protéger et accroître la production agricole, MONSANTO propose des pesticides et des herbicides. Les performances toujours plus poussées de ceux-ci finissent par mettre en péril la plante même quon veut protéger. Plutôt que de remettre en cause le productivisme à lorigine de cet usage intensif de produits qui empoisonnent les sols et les réserves en eau, qui ont un impact sur la santé des animaux et des consommateurs et qui grèvent le budget des exploitants agricoles, plutôt que de donner à la recherche lobjectif de diminuer la nocivité des produits de traitement, MONSANTO et les autres géants de lagrochimie préfèrent recourir aux manipulations génétiques sur le vivant. Car lobjet de la recherche, ce nest pas lamélioration de la qualité de la vie et de lenvironnement, cest linvention de ce qui est susceptible de devenir commercialisable. On crée donc des espèces végétales MONSANTO qui résistent aux pesticides et aux herbicides MONSANTO. Et à eux seuls. Le lien de dépendance est établi puisquil faut nécessairement avoir recours aux uns et aux autres pour garantir la production. « Chaque graine génétiquement modifiée est la propriété de son inventeur » souligne José Bové, qui ajoute « Les OGM sont une technique de domination et la brevetabilité est le principal outil permettant cettedomination ».2 » Car, pour conforter et étendre ce lien de dépendance à lensemble de la planète, MONSANTO fait breveter les OGM. Ces brevets sont protégés par les règles sur le brevetage du vivant imposées à tous les pays par lOrganisation Mondiale du Commerce (OMC) et, dans lUnion Européenne, renforcées par une directive du 6 juillet 1998 dont la portée est plus large encore et qui est, en outre, imposée aux « partenaires » de lAfrique, des Caraïbes et du Pacifique. Mais cela ne suffisait sans doute pas. Pour garantir une «captation » totale de la chaîne alimentaire et empêcher toute velléité dindépendance des paysans, le « génie génétique » est devenu faustien : il a donné naissance à une semence qui ne germe quune fois, grâce à lintroduction dun gène auto-destructeur. Cest la semence Terminator dont MONSANTO a acquis les droits. Elle rend impossible le recours traditionnel à la semence fermière, cest-à-dire la semence prélevée dans la production de la récolte précédente, ce qui oblige le paysan à acheter chaque année de nouvelles semences. On comprend dès lors lindignation dun José Bové : « Ces pratiques violent le droit ancestral, millénaire, et reconnu partout dans le monde, à prélever sur sa récolte pour celle à venir ». Lannonce récente par MONSANTO de labandon de cette semence nempêche pas sa fabrication par dautres firmes et, en particulier, sa commercialisation prochaine par son inventeur, la firme Delta & Pine Land Co. La technologie Terminator a fait lobjet dune trentaine de brevets détenus par différentes sociétés transnationales agrochimiques. Afin de sassurer le contrôle de la chaîne alimentaire mondiale, « de la graine à lassiette » comme dit José Bové, les transnationales de lagrochimie, MONSANTO en tête, semploient désormais à étendre la pratique des manipulations génétiques et du brevetage à toutes les espèces vivantes susceptibles de servir comme aliments ou comme médicaments dans lordre végétal, mais également dans lordre animal où le recours aux hormones ou autres activateurs de croissance, lemploi de farines animales fabriquées à partir de composants dangereux pour la santé (quand il ne sagit pas tout simplement dexcréments ou dhuiles de vidange...), lusage intensif dantibiotiques, montrent déjà que lobjectif nest pas de fournir une alimentation de qualité, mais de satisfaire la recherche de profits toujours plus grands par les branches pharmaceutiques de lagrochimie mondiale. Avec les OGM et le brevetage du vivant, un mécanisme de la servitude se met en place où paysans et consommateurs du monde entier deviennent les otages des transnationales du complexe agrochimique. Au nom dun objectif défini non pas en fonction des besoins réels des peuples, mais bien en fonction des profits recherchés par ceux qui agissent en amont comme en aval de la production agricole, un productivisme frénétique conduit à des pratiques dommageables pour des milliards de personnes dans les pays du Sud, mais également et de plus en plus, dans les pays industrialisés. Sans que les paysans aient formulé une demande, sans quils aient été consultés et sans quils aient pu exprimer un choix, un modèle productiviste leur a été imposé. La généralisation des OGM brevetés dans le cadre des politiques prônées par lOMC va dépouiller les peuples du Sud de leurs ressources naturelles et maintenir sinon accroître la famine et la malnutrition. Elle favorise déjà lexode rural et la désertification des campagnes tout en provoquant la destruction massive des éco-systèmes. Dun point de vue sanitaire, elle fragilise, par les incertitudes qui demeurent, la qualité de la chaîne alimentaire tout en déclenchant, ce dont on est certain, des mécanismes susceptibles de rendre incurables certaines maladies chez les plantes, les animaux ou les humains. Enfin, lintroduction dans lordre naturel de variétés génétiquement modifiées provoque une « pollution génétique » dont les conséquences sont à ce jour totalement imprévisibles. Mais de tout cela, MONSANTO na cure, puisque, selon son directeur de la communication, « Nous navons pas à garantir la sécurité des produits alimentaires génétiquement modifiés. Notre intérêt est den vendre le plus possible »3. Propos qui ne seront pas contredits par ceux qui, à lOMC, fournissent le cadre légal aux pratiques des entreprises transnationales agrochimiques dont MONSANTO constitue à la fois une avant-garde, un modèle achevé et un symbole. Quand la qualité de la vie et la sécurité sanitaire laissent indifférents ou négligents la plupart des décideurs politiques, crispés sur le court terme et sensibles aux pressions des milieux daffaires, quand les acteurs économiques refusent toute fonction sociale et privilégient la recherche effrénée dun profit toujours considéré comme insuffisant, quand la recherche scientifique, délaissée par les pouvoirs publics, doit vendre son indépendance aux bailleurs de fonds privés et renoncer dès lors à sa capacité critique et à une interrogation permanente sur son rôle dans la société, ce qui triomphe cest une organisation marchande du monde. Au bénéfice exclusif, mais considérable dune toute petite minorité dindividus et de ceux qui sont à leur solde.
Dr. Raoul Marc JENNAR 1 The Spirit of Enterprise, 1934. 2 BOVE José et DUFOUR François, Le monde nest pas une marchandise. Des paysans contre la malbouffe. Paris : La Découverte, 2000. 3 BERLAN Jean-Pierre et Richard
C. LEWONTIN, La menace du complexe génético-industriel
in Soulager la planète, Paris : Manière de Voir-Le
Monde diplomatique, mars-avril 2000. -------------------------------------------------------------------------------- Lorsque lon sait que Monsanto a réussi un coup de maître, à savoir que - paraît-il - dans la réglementation dutilisation des OGM il est stipulé que lon ne pourra se retourner contre Monsanto en cas de catastrophe sanitaire ou écologique liée à la consommation ou la culture des OGM Ça donne des frissons
!!! Ils sont donc absolument intouchables !C donc bien quils
sattendent à des catastrophes en tous genres, sinon
pourquoi dores et déjà mettre des clauses pour
les mettre à labri de toute responsabilité
et de tout procès ??? Dormez sur vos deux oreilles,
braves gens
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